A11Y Paris 2025 : Ce que nos expertes ont retenu du salon de référence sur l’accessibilité numérique

Journal de l'accessibilité

6 minutes de lecture passionnante !

Publié le 21 juillet 2025 par Mélanie Coltel

Salon A11Y Paris 2025 : Ce que nos expertes (Rachelle et Karine) ont retenu.

Le salon A11Y Paris 2025 a été une étape marquante dans la sensibilisation, l’acculturation et l’action autour de l’accessibilité numérique en France, les 25 et 26 juin derniers. À quelques jours de l’entrée en vigueur de l’European Accessibility Act (EAA), l’événement a réuni experts, institutions et autres parties prenantes pour faire un état des lieux des pratiques, partager des retours d’expérience et les prochaines actions à mettre en place. Voici ce qu’ont retenu nos deux expertes, Rachelle et Karine, sur place. ✨

Contexte général : l’accessibilité numérique reste souvent marginalisée

Une obligation encore perçue comme une option

Malgré les textes réglementaires et les référentiels mis en place depuis plusieurs années et l’entrée en vigueur de l’European Accessibility Act (EAA) le 28 juin dernier, l’accessibilité numérique n’est pas systématiquement intégrée aux pratiques actuelles, notamment dans le secteur privé où elle est parfois vue comme un “plus”, une option.

Des chiffres alarmants

Très peu de structures étaient prêtes à l’échéance du 28 juin :

Des audits réalisés dans les secteurs bancaire et e‑commerce ont montré qu’il n’existait pratiquement aucun site et aucune application entièrement conforme – donc avec un taux de conformité à 100 %.

À date, selon l’Observatoire de la Fédération des Aveugles de France, seulement 3,61 % des entités qu’il a contrôlé respectent les exigences déclaratives : publication de la déclaration d’accessibilité, présence d’un schéma pluriannuel, mention du niveau et du taux de conformité, accès à un moyen de contact pour recueillir les retours des utilisateurs…

Le constat est qu’il y a non seulement un manque de compréhension autour des enjeux de l’accessibilité, mais également autour du champ d’application qui est large et flou : il existe malheureusement peu de directives claires pour les entreprises concernées.

Le cadre réglementaire et ses défis

Deux directives européennes structurantes

La WAD (Web Accessibility Directive) : principalement pour le secteur public, transposée en France à certaines entreprises privées dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. Cette directive repose essentiellement sur des obligations déclaratives (telles que le schéma pluriannuel, l’audit, etc.).

L’EAA (European Accessibility Act) : pour toutes les entreprises publiques, et pour les entreprises privées d’au moins 10 salariés ou ayant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 2 millions d’euros. Cette directive introduit une obligation de conformité, avec un champ large (sites, services, produits, documents numériques) qui est mal connu et mal compris par les acteurs économiques. Elle concerne principalement les secteurs suivants : 

Plus d’informations à retrouver sur notre article “Accessibilité numérique : ce qui change secteur par secteur à partir de juin”.

Des sanctions mises en place

Les autorités suivantes sont désormais chargées de contrôler la conformité :

Parmi ces acteurs, la DGCCRF joue un rôle central, notamment dans la mise en œuvre des contrôles sur les services numériques accessibles au public. Son pouvoir de sanction est structuré en plusieurs niveaux, selon la gravité des manquements constatés. 

Si tout est conforme, aucune suite n’est engagée. En revanche, si elle constate des cas de non-conformité :

Et si la non-conformité persiste, des sanctions peuvent être appliquées :

Intégrer l’accessibilité dans les produits et services : retour d’expérience

Accessibilité et agilité : un faux dilemme

Les équipes de beta.gouv représentées par Anne-Sophie Tranchet (Designer UX/accessibilité) ont démontré que l’agilité et l’accessibilité ne sont pas incompatibles.

Le constat d’Anne-Sophie : À grande échelle, on ne peut pas mettre un expert accessibilité dans chaque équipe, il faut donc créer une culture partagée de l’accessibilité. En intégrant des micro-gestes accessibles dès le départ, il est possible d’avancer sans bloquer les itérations. 

Pour se faire, beta.gouv a donc mis en place différentes actions : 

1. Sensibilisation mensuelle des équipes pendant 2 ans :

2. Mini-ateliers thématiques :

3. Ateliers Easy Checks (W3C) :

Elle a également partagé des ressources clés pour approfondir le sujet :
1. “The Accessibility Operations Guidebook” de Devon Persing (Focus sur la structuration des efforts dans des organisations complexes) ;
2. “Giving a damn about accessibility” de Sheri Byrne-Haber (Appel à abandonner le perfectionnisme pour avancer concrètement).

Former, documenter, partager autour de l’accessibilité numérique

Créer une culture commune, former les équipes régulièrement, identifier puis s’appuyer sur des “champions” (des personnes motivées pouvant être relais d’expertise)… Toutes ces actions mises en place par beta.gouv sont des leviers puissants pour sortir de la dépendance à un expert unique.

Il est donc possible d’intégrer l’accessibilité dans la culture produit, pour la rendre bien visible : 

Cette approche évite l’effet « goulot d’étranglement » tout en renforçant la montée en compétences collective et en promouvant une logique d’autonomisation progressive des équipes.

Le parcours de Kevin Bustamante, référent accessibilité non-voyant : quand la compétence naît du vécu

Parmi les témoignages marquants du salon, celui de Kevin Bustamante, référent accessibilité et développeur non-voyant, a particulièrement résonné.

Une scolarité semée d’obstacles numériques

Dès son parcours scolaire, Kevin se retrouve confronté à une double exigence : apprendre, tout en s’adaptant à un environnement peu accessible. Naviguer dans les interfaces d’inscription, accéder aux supports pédagogiques, suivre les cours… Il doit, très tôt, se former de manière autonome à des outils numériques souvent mal conçus pour les personnes malvoyantes.

Il est donc devenu “expert” malgré lui, pour pouvoir étudier de façon optimale.

Une formation au développement, sans accessibilité au programme

Kevin se tourne ensuite vers la programmation, avec la volonté de participer à un numérique plus inclusif. Là encore, il constate un manque criant de formation à l’accessibilité numérique dans les cursus classiques. Peu de centres sont adaptés pour accueillir et accompagner des personnes non-voyantes ou malvoyantes. Résultat : il apprend seul, sur le tas, mais toujours avec une grande détermination.

Le monde du travail : entre responsabilités et frustrations

Une fois dans le monde professionnel, les défis changent, mais ne disparaissent pas. Kevin se heurte à des interfaces inaccessibles, des maquettes front-end (dont Figma) impossibles à analyser sans solliciter les designers qui les ont créées… 

Pourtant, il devient une référence sur ces sujets dans son équipe et au global. Sa situation lui permet de faire des tests utilisateurs en continu.

Son témoignage rappelle que l’accessibilité ne peut pas reposer uniquement sur les personnes concernées. Il faut professionnaliser le métier, structurer l’écosystème, et donner les moyens aux expertes et experts d’être pleinement reconnus dans leurs rôles.

Professionnaliser le métier : quelles solutions ?

Au fil des discussions, 6 solutions ont émergé pour professionnaliser les métiers d’auditrices et auditeurs, et de référentes et référents accessibilité :

Salon A11Y : quelle conclusion ?

Le salon A11Y Paris 2025 a dressé un constat sans ambiguïté : l’accessibilité numérique avance, mais trop lentement face aux obligations qui se sont imposées fin juin.

Il ne s’agit plus seulement d’éviter des sanctions réglementaires, mais de répondre à un enjeu de société : garantir à chacune et chacun un accès équitable au numérique. 

Cela implique notamment de :

À travers les retours terrain de Rachelle, Karine, Anne-Sophie, Kevin et bien d’autres actrices et acteurs de l’accessibilité numérique, une chose est claire : les solutions existent, les outils sont là, les usages peuvent être documentés de façon optimale.

Ce qu’il faut désormais, c’est l’engagement ferme et durable des organisations. On dit souvent que l’accessibilité profite à tous, mais il ne faut pas oublier qu’en plus d’être un besoin, elle est avant tout un droit fondamental pour les personnes en situation de handicap.

Pour avoir un résumé complet du salon, on vous redirige vers deux articles très détaillés de Front Guys :
A11Y Paris 2025 : Le résumé complet (Partie 1)
A11Y Paris 2025 : Le résumé complet (Partie 2)


Pour aller plus loin…

Si vous souhaitez mettre en place des actions pour favoriser l’inclusion et l’accessibilité numérique, mais que vous ne savez pas par où commencer, demandez conseil à nos experts accessibilité via l’adresse mail contact@warren-walter.com. 💡

Et pour plus d’informations sur nos prestations en accessibilité, on vous donne rendez-vous sur notre page dédiée à l’Accessibilité Numérique et sur notre page dédiées aux différentes formations effectuées par nos experts accessibilité. 🧐